Le Parisien 12 juillet 2010
Jannick Alimi | 12.07.2010, 07h00
C’est une première : une
banque mise en examen pour publicité trompeuse sur un produit financier.
Selon nos informations la Caisse d’épargne Loire-Drôme-Ardèche a fait
l’objet d’une telle décision par un juge d’instruction de Saint-Etienne
(Loire). Le placement n’est autre que Doubl’ô, de triste réputation
puisqu’il vient également d’être épinglé par la Direction générale de la
concurrence, de la consommation
et de la répression des fraudes (DGCCRF) dans un rapport transmis au
parquet de Paris.
Souscrit par quelque 240000 clients du réseau des Caisses d’épargne,
Doubl’ô, lancé en 2001, promettait sur une plaquette publicitaire un
doublement du capital en six ans. Un astérisque renvoyait à un
paragraphe écrit en petits caractères qui précisait « sous réserve des
conditions indiquées dans la notice COB, la Commission des opérations de
bourse (NDLR : le gendarme de la Bourse à l’époque) ». Six ans
plus tard, les souscripteurs avaient tout juste récupéré leur capital
initial réduit des frais bancaires. « Outre les aspects déontologiques,
ce qui est scandaleux, c’est que seuls les clients prenaient des risques
avec ce produit alors que la Caisse, elle, prélevait de 1 à 2% de frais
d’entrée et de gestion sur les sommes collectées, c’est-à-dire qu’elle
gagnait de l’argent pendant que ses clients en perdaient », s’exclame
Daniel Richard, avocat des clients dans cette procédure.
Jugé au pénal, ce cas ouvre cependant de nouvelles perspectives aux
épargnants. « Grâce à cette décision, les Caisses d’épargne vont devoir
s’expliquer sur les raisons qui les ont amenées à s’engager sur un
doublement du capital versé, expliquent Nicolas Lecoq Vallon et Hélène
Féron-Poloni, avocats en charge de plusieurs dossiers dans cette
affaire. Nous sommes désormais sur le terrain pénal et le juge
d’instruction a les pouvoirs et les moyens de procéder à des
investigations financières poussées. Contrairement aux plaintes au civil
qui mettent face à face des groupes financiers et de simples
particuliers, évidemment beaucoup moins bien armés. »
Fortement incités à investir dans Doubl’ô par des publicités pour le
moins agressives, les clients de l’Ecureuil ont été nombreux à vider
leur livret d’épargne ou leur plan d’épargne logement à la clé desquels
ils étaient au moins assurés de percevoir des intérêts. « J’avais
souscrit un produit Doubl’ô pour pouvoir, au bout des six ans, changer
tout mon équipement télévision, lecteur, ordinateur, explique Michèle,
aujourd’hui retraitée de la fonction publique. Pour cela, j’y ai
transféré les 3000 € que j’avais épargnés sur mon livret A. En 2007,
j’ai découvert que je n’avais pas les 6000 € promis mais un peu moins
que mon capital de départ. Je suis furieuse. »
Le juge a six mois pour décider le non-lieu ou un renvoi en
correctionnel. La Caisse d’épargne Loire-Drôme-Ardèche n’a souhaité
faire aucun commentaire. Mise en cause dans un dossier similaire, la
Caisse d’épargne Côte d’Azur, poursuivie par Me Daniel Richard, avait
expliqué qu’une seule chose était garantie, le capital investi et que
cette garantie avait été honorée. Pas tout à fait.