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Daniel Richard Avocat - Défense du consommateur
20 mai 2010

L'Agéfi ACTIFS 20 mars 2010

ACTION COLLECTIVE
Pour une « class action » à la française
 
le 14/05/2010
 
 

Un certain nombre d’affaires, dans les domaines de la santé ou de l’épargne, plaident pour la mise en place d’un dispositif simple et efficace face aux entreprises défaillantes

 

C’est une honte pour la France et pour sa justice que les actionnaires lésés de Vivendi soient obligés d’aller aux Etats-Unis pour y introduire une class actio et voir leur préjudice réparé. Et Vivendi s’est couvert de ridicule en introduisant devant les tribunaux français une procédure vouée à l’échec, car moralement inadmissible, contre ceux de ses actionnaires lésés qui avaient eu « l’audace » de demander la réparation de leur préjudice aux Etats-Unis.

Responsabilité.
Les opposants à l’introduction en France d’une possibilité de saisir la justice de manière collective tentent de fourvoyer le débat sur des questions annexes : sur ce que gagneraient les avocats, sur le chantage auquel seraient soumises les entreprises, alors que l’essentiel, c’est le droit des victimes à voir leur préjudice réparé et l’effet dissuasif d’un tel mécanisme pour les entreprises qui seraient tentées de ne pas respecter la loi.
Aujourd’hui, les préjudices collectifs, lorsqu’ils sont d’une gravité considérable, lorsqu’ils font scandale (pensons à l’amiante, par exemple) sont pris en charge par le contribuable et non par ceux qui en sont responsables. Est-ce normal ? Mais sans parler des préjudices diffus dont l’importance dans la vie quotidienne des Français est considérable, combien de préjudices collectifs ayant des conséquences graves dans le domaine de la santé, de l’épargne, doivent être passés par pertes et profits par les victimes ? Refuser l’introduction de la class action, c’est tenter de continuer de se soustraire à sa responsabilité. Mais la ligne Maginot que voudraient dresser les « irresponsables » va tôt ou tard voler en éclats et c’est à l’étranger, si rien n’est fait, que les victimes françaises auront droit à la justice.
Si nos entreprises étaient des parangons de vertu, on comprendrait l’opposition de certains de leurs représentants à l’introduction d’une class actionen France, mais force est de constater que tel n’est pas toujours le cas.

Réparation d’un préjudice.
Dans ces conditions, comment la dépénalisation, la déréglementation réclamées par le Medef seraient possibles sans la contrepartie d’un mécanisme efficace de responsabilité civile ? Mais ces objectifs, longtemps prônés par leMedef, lui semblent aujourd’hui moins importants dès lors que l’on voudrait introduire la class action : tout à coup, les pouvoirs de police de l’Etat, la répression pénale retrouvent grâce à ses yeux.
Et pour cause, la justice pénale est aujourd’hui totalement inefficace pour régler les questions auxquelles uneclass action pourrait apporter remède (et ce n’est pas la vague procédure pénale dans l’« affaire Vivendi/Messier » qui s’éternise et à laquelle personne ne comprend rien qui viendrait apporter la démonstration contraire). Mais quoi qu’il en soit de ce discours opportuniste, le Medef est en contradiction flagrante lorsqu’il s’oppose à la class actionet que, parallèlement, il réclame la confiance pour les entreprises, lorsqu’il demande que « l’entreprise soit au cœur de la société civile ». Des entreprises irresponsables ne sauraient avoir notre confiance et être au cœur de notre société.
Aujourd’hui, les entreprises qui ne respectent pas la loi au détriment des consommateurs ou des épargnants ne sont la plupart du temps pas sanctionnées en France et, si elles le sont, ne sont jamais obligées de réparer l’intégralité du préjudice qu’elles ont fait subir. Il est donc aujourd’hui profitable de ne pas respecter la loi.

Un aiguillon.
Pourtant, la class action, aux Etats-Unis, n’a jamais eu d’effet négatif, globalement, sur les entreprises, même si telle ou telle entreprise, dans des cas extrêmes, a pu voir son existence remise en cause (comme dans le domaine de l’amiante par exemple, mais est-ce véritablement un mal ?).
Contrairement à ce que disent nos Cassandre, il n’a jamais été prouvé que la class actionait un effet néfaste sur l’économie américaine. Et même, il peut être soutenu que son existence aux Etats-Unis, en ce qu’elle est un aiguillon de la compétitivité, de l’excellence des produits et services des entreprises est l’un des facteurs de dynamisme de l’économie américaine.

Un mécanisme simple.
Nous serons parmi les derniers à adopter un mécanisme d’action collective. Profitons des expériences étrangères, prenons le temps de mettre en place un mécanisme efficace « à la française », ne complexifions pas, ne créons pas des barrières inutiles dans une procédure qui est déjà suffisamment compliquée.
Il n’est pas légitime, comme le voudrait Bercy, de limiter l’action collective à une catégorie de dommages ou à un montant de dommages, ni de la réserver à quelques associations. Cette approche technocratique, sans ambition autre que de se mettre en conformité à minima avec les prochaines réglementations européennes, qui signe en fait la victoire des opposants à la class action,ne sert à rien. L’introduction d’une véritable action collective, permettant un véritable droit des victimes mérite mieux et il pourra être vérifié à cette occasion que le discours gouvernemental en faveur des victimes n’est pas qu’un discours incantatoire et que leurs préjudices sont véritablement pris en considération. 



Stéphane BonifassiMaxime DelhommeLoïc DusseauJérôme FranckHélène Féron-PoloniNicolas Lecoq-VallonDaniel Richard, avocats au Barreau Paris 

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