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Daniel Richard Avocat - Défense du consommateur
20 juin 2010

Le journal du dimanche 20 juin 2010

Kerviel face au "boulevard du vide"

Rude semaine pour le trader qui reconnaît, à son procès, avoir été pris "dans une spirale".

Jérôme Kerviel

Etonnant procès que celui de Jérôme Kerviel. Bien qu’il soit toujours aussi combatif et sûr de lui, l’ancien trader de la Société générale n’arrive pas à faire l’impossible: prouver qu’il ait eu le droit de jouer avec 50 milliards d’euros. Pressé de questions, il finit par reconnaître avoir fait des faux et avoir menti. "Que ce soit bête, débile, je vous le concède", lâche-t-il à la barre de la XIe chambre correctionnelle de Paris. "J’étais dans une spirale… Il y avait un boulevard devant moi." "Un boulevard avec le vide au bout!" rebondit le président Dominique Pauthe.

Aujourd’hui, Jérôme Kerviel le concède, "avec le recul, c’était une fuite en avant". Mais il préfère insister sur le fait que la banque n’a pas réagi comme elle aurait dû le faire, à ses résultats hallucinants, ses faux, ses opérations cachées et ses bobards. "J’ai pris cette logique-là comme une volonté de laisser faire, une volonté de ne pas contrôler", assure le jeune homme. "Mais, fin 2007, vous auriez pu vous arrêter. Vous étiez sûr de vous?" Réponse de Kerviel: "A l’époque, oui. A tort, sûrement." Il le redit, sa hiérarchie était au courant, et elle le couvrait implicitement. Puis il répète qu’il voulait seulement "faire gagner de l’argent à la banque". En empochant des bonus au passage, soupçonnent ses contradicteurs.

Les valeurs de la Société générale, c’est "faire du fric"

Alors que l’ancien trader est le seul prévenu de ce procès, où il doit répondre de 4,9 milliards d’euros de pertes, la succession de témoignages – salariés de la Société générale et experts de la finance – laisse, pourtant, une impression gênante. Course au profit, flou des consignes, défaillances des hiérarques, failles des systèmes de contrôle… tout cela finit par faire mauvais genre. Si Kerviel risque, à terme, d’être déclaré coupable, la responsabilité de la banque semble aussi engagée, même partiellement. Des petits actionnaires risquent d’ailleurs de lui demander réparation après ce procès. Daniel Richard, un de leurs avocats, fait dire à Kerviel que les valeurs de la Société générale, c’est "faire du fric". En face, la froide assurance de la Générale, sûre de son bon droit, ne lui garantit pas de gagner la bataille de l’image que mène avec entrain la défense de son ancien trader.

La "testostérone" dans les salles des marchés

Catherine Lubochinsky, professeur de finance à l’université Paris-II, résume les choses à sa façon, quand le président Pauthe lui demande qui, de la banque ou du trader, est coupable dans ce type d’affaires: "Ils sont tous coupables!" répond-elle avec aplomb. La dame discourt brillamment sur "l’excès de confiance" et la "testostérone" dans les salles des marchés, ainsi que sur l’absence de réaction étonnante face à la multiplication des signaux d’alerte. Le hic, c’est qu’elle connaît très bien le sujet des "rogue traders": tous s’y risquent, mais aucun des avocats de la Société générale n’arrive à mettre la prof en difficulté.

Après deux semaines d’audience, les avocats de la Société générale en sont au point où ils doivent parfois rappeler que la banque est victime. "Je comprends que la défense de Jérôme Kerviel veuille démontrer la faiblesse des services de contrôle", déclare Jean Veil, pour dire que le tribunal est appelé à juger non de cette faiblesse mais des "infractions" reprochées au trader. "Jérôme Kerviel n’était pas payé pour s’assurer que les contrôles fonctionnaient bien", ironise l’avocat de la banque. L’ancien P-DG de la Société générale Daniel Bouton, à qui le scandale a fini par coûter le poste, viendra témoigner mardi. Le réquisitoire est attendu jeudi, et le procès s’achèvera vendredi avec la plaidoirie d’Olivier Metzner, l’avocat de Kerviel.

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